Il y a 130 ans, en juin 1885, la France offrait aux États-Unis un symbole appelé à devenir universellement connu : la statue de la liberté. Deux ans plus tard, commençait à sortir de terre la tour Eiffel, autre symbole universel, l’un des monuments les plus célèbres du monde. Au cœur de ces deux réalisations, un homme : Gustave Eiffel.

 

Gustave Eiffel et l’âge du fer

Aucun homme n’aura marqué son siècle comme Gustave Eiffel. À lui seul il incarne un siècle, une technique de construction qui allaient changer le monde. Car le fer, dès le début du XIXe siècle, participe de l’essor de la technologie, immédiatement relayée par les applications nombreuses que cette période entreprenante lui trouve. D’abord la construction maritime : les coques métalliques ouvrent le siècle du gigantisme sur la mer, œuvrant avec la vapeur pour ouvrir de folles perspectives au transport maritime… jusqu’à une certaine nuit d’avril 1912 (mais ceci est une autre histoire) ; puis l’architecture, le génie civil. Le chemin de fer, les grands magasins, l’automobile révolutionnent le quotidien, et sans le fer et les nouvelles techniques de construction les prouesses technologiques que demande l’expansion économique seraient impossibles.

Et dans cet âge du métal, « aucun homme n’a mis en œuvre autant de fer et d’acier que lui (Gustave Eiffel) à son époque ». (L’Age de fer, Albert France-Lanord, Berger-Levrault, 1979)

Né à Dijon en 1832, dans un milieu aisé (sa mère avec un certain talent a amassé une petite fortune dans le commerce de la houille), Gustave Eiffel se destine d’abord à la chimie, pour des raisons familiales. Diplômé de l’École centrale en 1855, il commence malgré tout, à la suite d’un concours de circonstances, sa carrière dans la construction des chemins de fer, voie qu’il conservera toute sa vie.

Il fonde par la suite sa propre entreprise de construction en 1868 à Levallois-Perret, associé avec Théophile Seyrig. Viaducs ferroviaires, ponts routiers, et d’autres ouvrages en France et à l’étranger feront la fortune des établissements Eiffel. En 1879, à l’occasion de la construction du spectaculaire viaduc de Gabarit, Eiffel se sépare de son associé. Car, si la construction de ponts métalliques assure à la compagnie des chantiers et des revenus réguliers, ce sont les grands travaux qui feront entrer Eiffel dans l’histoire.

Ce seront d’abord le pont sur le Douro (Portugal) et la gare de Pest (Hongrie), puis ce fameux viaduc de Garabit (564 m en une seule portée, à 122 m de hauteur), l’une des plus audacieuses réalisations d’Eiffel, par la même équipe qui réalisera plus tard la Tour. En attendant, les talents d’Eiffel seront mis à contribution dans un tout autre projet.

 

Eiffel et la statue de la liberté

Statue conçue par Auguste Bartholdi, entrepreneur actif et sculpteur plus ou moins accompli, et Edouard de Laboulaye, professeur au Collège de France et fervent républicain, la statue de la liberté est pensée en 1865, commencée en 1877, à l’issue d’une souscription franco-américaine. Présentée en partie pendant l’Exposition universelle de 1878, elle est achevée en 1884, et transportée puis inaugurée dans l’île de Bedloe en 1886. Sa construction aux ateliers Monduit se fait en cuivre repoussé, technique choisie pour obtenir des pièces grandes et légères. En 1881 Bartholdi s’adresse directement à Eiffel, qui accepte de concevoir l’armature de 46 m de haut qui portera cette « peau » de la statue. Il faut noter que dans l’esprit du grand homme, il s’agit là d’un travail tout à fait banal ; il n’en gardera aucun souvenir, contrairement à ses grands ponts dont il restera très fier.

statue de la liberté - construction Eiffel 1

Une tour de mille pieds de haut

Lorsqu’une commission est créée pour préparer l’exposition universelle de 1889 et lancer le projet d’un monument de grande hauteur, l’idée d’une tour colossale est déjà dans l’air du temps. « Depuis quelques années, elle (la tour) remuait obscurément dans les cerveaux des ingénieurs, cherchant à naître. » put écrire ainsi E. de la Vogüé.

Le concept n’est donc pas le fruit du seul Eiffel, mais bien l’expression d’une idée ancienne. Des projets antérieurs ont existé, notamment celui de l’ingénieur anglais Trevithick (1833) qui envisageait déjà l’utilisation de la fonte ajourée pour l’érection d’une tour de 1000 pieds de hauteur (304,80 m). D’autres projets naissent sans aboutir à Philadelphie, à Bruxelles… et à Paris, dès 1881. L’ingénieur Sébillot veut doter la capitale d’un phare monumental pour éclairer Paris, mais son projet n’est pas réaliste.

Eiffel arrive à point nommé avec un projet « maison » concocté par ses ingénieurs, Nouguier et Kœchlin, et l’architecte Sauvestre. Il dotera ainsi Paris de son symbole et en fera le monument le plus visité au monde…

 

Une autre architecture

La construction métallique dont les techniques conquièrent le monde au XIXe siècle ouvre des perspectives alors impensables aux architectes, qui se lanceront tour à tour dans les projets les plus fous, soutenus par les expositions universelles qui se multiplient. Du Crystal Palace de l’anglais Joseph Paxton (édifié en 1851, déplacé, puis détruit par un incendie en 1936) à la tour Eiffel, en passant par les structures métalliques des grands magasins qui fleurissent dans les grandes villes (et de plus modestes aussi) le paysage change, les perspectives font rêver…

Et les illustrateurs et caricaturistes de l’époque ne s’en privent pas, surfant sur la vogue de l’aéronautique et de la construction métallique pour rêver à un Paris très aérien. C’est notamment le cas d’Albert Robida, qui en trois volumes d’anticipation dessine avec truculence et talent une capitale du XXe siècle bien à lui. On ne peut que reconnaître à chaque planche l’influence du nouveau style qu’impose la construction métallique.

Etoile du pacifiqueRobida - station d'aéroplanes de Notre-Dame

 

C’est à Albert Robida que nous devons le frontispice de l’Etoile du Pacifique, aussi je vous invite à le découvrir (ou redécouvrir) et vous y verrez assez aisément, je pense, la puissance du « style Eiffel » sur l’illustrateur, qui est parfois comparé à Jules Verne.

 

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