Mémoires de Barnum

Le 7 avril 1891, s’éteignait en même temps que les derniers feux du XIXe siècle, l’un des entrepreneurs américains les plus emblématiques de son temps : Phyneas Taylor Barnum. Cet homme de spectacle embrassa tant son époque et est tellement ancré dans la mémoire collective d’une grande partie du monde, que son nom est devenu commun et désigne tour à tour une tente ou une manipulation mise en évidence par un psychologue… Deux symboles qui se complètent assez bien au fond, si l’on connaît un tant soit peu l’histoire de Barnum !

Mais ne nous hâtons pas de condamner ce diable d’homme, ce premier millionnaire du spectacle, qui, s’il n’a pas tout inventé, a su tirer parti du moindre espace de communication, de la moindre opportunité, poussant dans ses derniers retranchements la presse de masse (qui prend alors son envol, et l’on assiste aux USA à la naissance des grands journaux), la publicité, la rumeur… jusqu’aux confins de la mauvaise foi. Osant tout, il ouvrit toutes les portes d’une société du loisir qui allait s’imposer au XXe siècle ; et fit perdurer, en montreur de phénomènes aguerri, les pratiques les moins recommandables aujourd’hui.

Quel contraste, dans les Mémoires de Barnum, (abondamment commentées) entre le cynique montreur d’animaux, dans des conditions de bien-être contestable, et l’agent admiratif de la première super-star de la chanson ; quel écart entre le philanthrope et le filou ! Et surtout, quelle vie, entre naïveté, ruse, travail, amour, démesure et curiosité ! Dans les coulisses de l’histoire étonnante de cet entrepreneur, on croise non seulement des milliardaires, mais aussi des têtes couronnées, des écrivains connus ou oubliés, des institutions aussi diverses que la Maison blanche, les grands journaux, l’Armée du Salut, les premières sociétés protectrices des animaux, quelques artistes atypiques, un amiral de poche… En bref, les Mémoires de Barnum constituent non seulement une lecture fascinante, mais un document sur l’émergence de la société des loisirs, et sur le passage du XIXe au XXe siècle (qui décidément n’a pas inventé grand-chose en la matière) en Amérique et en Europe. Autant dire que le voyage en vaut la peine !

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